Chapitre 3

Chapitre 3

- Bonjour ma Chérie ! A peine la porte passée, Pat illumina instantanément la pièce de son doux sourire et réchauffa le cœur épuisé d'Eugénie en la serrant dans ses bras.

- Bonjour ma douce, lui répondit Eugénie, savourant cette étreinte protectrice comme un cocon dans lequel rien ne pourrait jamais pénétrer.

- Tiens, je nous ai préparé une assiette de sablés pour grignoter avec le thé. Tu as toujours mon préféré ? Tu sais, celui avec des fleurs et des notes sucrées d'amande. j'oublie toujours son nom !

- Le sourire du Sage ? Evidemment ! Eugénie sourit, elle connaissait par cœur les goûts de son amie et elle avait pris soin de glisser plusieurs paquets dans ses bagages en prévision de leurs retrouvailles. Tout au long du voyage, les sachets avaient diffusé leurs effluves apaisantes dans l'habitacle de la voiture, installant chez Eugénie l'envie de partager de longs moments avec son amie.

Pendant qu'Eugénie faisait chauffer l'eau dans la bouilloire et disposait tasses et sablés sur le plateau, Pat observait son amie avec une tendresse perceptible. Elle était immensément heureuse de la retrouver et de savoir qu'elle allait passer plusieurs semaines ici. Elle sentait pourtant que la raison de ce retour n'avait rien de confortable pour son amie et elle percevait une résistance inhabituelle chez Eugénie. Le regard légèrement fuyant, des gestes un peu précipités, avec certitude, elle su qu'Eugénie avait besoin d'aide.

- Alors ce retour, tout se passe bien ? Tu as retrouvé tes marques ?

- Oui très bien, tout est parfait ! Cette petite maison est idéale, fonctionnelle, à proximité de tout et avec une vue imprenable sur notre si belle campagne. Quelle chance d'avoir pu la louer en dernière minute, je n'aurais pas pu trouver mieux.

- Ca me fait tellement plaisir de savoir que tu vas rester un moment ici. Enfin nous allons pouvoir prendre le temps de nous raconter un peu nos vies de ces derniers mois, et puis ton projet ! C'est fou ce projet de reconversion professionnelle, parce que c'est bien ça qui t'amène n'est ce pas ? Raconte moi un peu ça !

- Oui... oui bien sûr je vais te raconter, évidemment je vais te raconter. Tu penses bien, une idée pareille hihihi... Eugénie sentit le rouge lui monter aux joues, aux oreilles. Il faisait si chaud d'un seul coup. Elle qui frissonnait encore il y a moins d'une heure. Elle se serait presque crue en pleine ménopause, et hop une bouffée de chaleur express, une suée à éponger et les mots qui se bousculent. Perte de moyens totale, sa crédibilité anéantie dès la première question.

Pat observa Eugénie, compatissante. Elle voyait le combat intérieur : tenir bon ou lâcher prise. Mais elle connaissait sa fierté. Eugénie allait forcément choisir de tenir.  

- Oui, cette idée de reconversion, une opportunité finalement. Je discutais avec Sabrina qui se lance dans l'ouverture d'un salon de thé - bien-être, une sorte de mix de concepts tendances et recherchés. Ses idées sont excellentes et elle a besoin d'une partenaire. 24 ans que je suis assise derrière mon bureau à travailler pour les autres, je me dis que c'est peut-être enfin le moment d'aller vers ce qui fait sens et de travailler pour moi.

Si Eugénie n’avait pas réduit son biscuit en miettes en triturant ses doigts, Pat aurait presque pu s’enthousiasmer pour ce projet. Mais tout son corps criait le malaise. Profond, ancré, palpable.

- Wouah c'est génial dis donc ! cela te ressemble tellement, même pas vraiment besoin d'y réfléchir si ? C'et marrant j'aurais cru que tu foncerais tête baissée le jour ou une occasion pareille se présenterait. Et là tu me parles de quelques semaines pour réfléchir, mais qui êtes-vous Madame ? Qu'avez-vous fait de mon amie Eugénie ? dit Pat en riant. 

- Oh  c'est que ... oui évidemment j'y vais, je vais foncer ... mais tu comprends, j'avais envie de quand même réfléchir, me reposer un peu avant de m'embarquer dans une telle aventure. La voix d'Eugénie faiblissait en même temps que son regard plongeait vers le sol. Ca peut être épuisant l'aventure.... on peut se perdre...même se faire détruire...ça fait peur... 

- Tu me parles de quoi exactement là ma chérie ? J'ai peur de ne pas te suivre répondit Pat avec une infinie douceur.

- Ne fais pas attention, ce n'est rien, j'étais partie dans mes pensées, je ne voulais pas dire ça. Ce projet est incroyable, bien sûr, ça va être un projet incroyable. Eugénie essayait de se redonner de l'assurance et de revenir au sujet principal.
Peine perdue face à une Pat qui avait sentie le gouffre abyssal au bord duquel se tenait sa plus chère amie.

- Eugénie? Eugénie, tu sais que je te connais par cœur n'est ce pas ? Tu sais que je vois que quelque chose ne va pas ? Alors que ce projet est tout ce dont tu as toujours rêvé, tu es ici à émietter les sablés en regardant le bout de tes orteils. Tu as l'air épuisée, tu me donnes l'impression de lutter contre je ne sais quoi et que ça te dépasse. Tu veux m'en parler ?

- Fatiguée ? Non... enfin si, peut-être. Juste quelques mauvaises nuits, rien de grave. 

- Pas à moi Eugénie, ça ne prend pas. On ne se parle pas d'une ou deux nuits n'est ce pas? Je crois que je ne t'ai jamais vue dans cet état. Dis-moi la vérité, Eugénie. 

Eugénie ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Elle pinça les lèvres, détourna les yeux.

Elle voulait répondre. Trouver une excuse. Mais il n’y en avait plus.

Le silence s’installa, pesant.
- Ce n’est pas ce projet qui te fait peur, n’est-ce pas ?


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